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rants énormes, et avoir élevé cette colossale digue de cailloux. A une époque plus tranquille, de la terre fertile fut déposée pardessus, mais l’agriculteur ne cesse pas d’être tourmenté par les galets, qui reviennent toujours. On cherche à s’en débarrasser autant que possible ; on les entasse par couches et l’on forme ainsi le long du chemin comme des murs très-épais. Les mûriers ne prospèrent pas sur ces hauteurs, faute d’humidité. Des sources, il ne faut pas y penser. De temps en temps on rencontre des flaques, où l’on a recueilli l’eau de pluie, et où les mulets et même leurs guides se désaltèrent. En bas, le long du fleuve, on a établi des roues à puiser, pour arroser à volonté les plantations inférieures.

La magnificence du pays qu’on voit en descendant est inexprimable. C’est un jardin long et large de plusieurs milles, formant une plaine tout unie, parfaitement cultivée, au pied de hautes montagnes et de rochers escarpés. C’est ainsi que j’arrivai le 14 septembre, vers une heure, à Vérone, où je commence par écrire ces lignes, et je termine le second cahier de mon journal, en me promettant pour ce soir le plaisir de visiter l’amphithéâtre.

Voici les nouvelles de la température de ces derniers jours. La nuit du neuf au dix fut tour à tour sereine et couverte ; la lune resta toujours entourée d’un cercle de vapeurs. Le matin, vers cinq heures, tout le ciel se couvrit de légers nuages gris, qui disparurent avec le progrès du jour. Plus je descendais, plus le temps élait beau. Enfin, à Botzen, quand j’eus laissé au nord la grande chaîne de montagnes, l’air prit un caractère tout nouveau : on voyait dans les divers enfoncements de la contrée, qui se distinguaient agréablement les uns des autres par un bleu plus ou moins foncé, que l’atmosphère était remplie de vapeurs, également distribuées, qu’elle suffisait à porter, et qui, pnr conséquent, ne tombaient pas en rosée ou en pluie, et ne se rassemblaient pas non plus en nuages. Quand j’arrivai plus bas, je pus observer clairement que toutes les vapeurs qui montent de la vallée de Botzen, toutes les traînées de nuages qui s’élèvent des montagnes du sud, s’acheminaient au nord, vers les contrées supérieures, ne les couvraient pas, mais les enveloppaient dans une sorte de brouillard sec. Dans le dernier lointain, par-