frit patiemment les torts de son époux, inspirait h Goethe un tendre et profond respect.
Charles-Auguste, alors âgé de dix-huit ans, avait déjà le sérieux désir de rendre ses sujets heureux, et, malgré la fougue de son âge et de son tempérament, il faisait entrevoir à l’observateur attentif le prince qui se montra plus tard digne de gouverner de plus vastes États. Il aima Goethe comme un frère, et cette liaison eut pour tous deux les suites les plus importantes. Elle dura près de cinquante ans, et quelques orages, qui survinrent durant cette longue période, n’empêchèrent pas leur amitié de subsister tout entière jusqu’à la mo.-t du prince.
Parmi les femmes qui figuraient à la cour de Weimar et qui eurent de l’influence sur notre poète, la première place appartient à la baronne de Stein, dame d’honneur de la duchesse Amélie. Elle fut longtemps aimée de Goethe. Aucune de ses premières liaisons, dont il nous a fait l’histoire, ne peut être comparée à celle qu’il forma avec Mme de Stein. Agée de trente-trois ans, et déjà mère de sept enfants, quand elle fit la connaissance de Goethe, cétte dame était fort négligée de son mari, et ses relations avec le poète ne pouvaient, soit par leur nature, soit par les circonstances, donner prise à la critique dans le monde oti ils vivaient. Goethe oublia près de cette femme aimable, instruite, séduisante, les jeunes filles qui avaient autrefois ému ses sens et touché son cœur. Il eut avec elle une longue et vive correspondance ; c’est à elle qu’il adressa la plupart des lettres qu’il écrivit de Suisse et d’Italie, et qu’il publia plus tard, mais revues et modifiées.
« Tel était, dit M. Lewes, le cercle dans lequel Goethe parut, avec tout l’éclat de la beauté, de la jeunesse et de la gloire. Est-il étonnant qu’il ait conquis tous les cœurs ? » — « Tout le monde fut charmé, dit Knebel, et particulièrement les dames. » Sous son coslume à la Werther, qui fut adopté aussitôt par le duc et par son entourage, il parut l’idéal du poète.
Dans cette cour amie du plaisir, il donna l’essor à ses goûts de jeune homme, et il fut bientôt l’âme de toutes les fêtes. Les sérénades, les mascarades, la chasse, les divertissements de tout genre se succédaient sans cesse. L’hiver étant venu, Goethe mit à la mode l’exercice du patin, qui devint une véritable fureur. L’étang des Cygnes était illuminé pendant la nuit, et il devint le théâtre de scènes pittoresques et de joyeux ébats.
Nous ne parlerons pas de certaines excentricités auxquelles les deux amis se livraient à l’envi, et qui étaient dignes de folâtres étu-