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forme plus lancéolée. Je le remarquai sur un saule et sur une gentiane, et je reconnus que ce n’étaient pas des espèces différentes. J’observai aussi au bord du lac de Walchen des bouleaux plus élancés et plus sveltes que dans la plaine.

Les Alpes calcaires, que j’ai traversées jusqu’ici, ont une couleur grise et des formes belles, bizarres, irrégulières, quoique la roche se partage en couches et en bancs. Mais, comme il se rencontre aussi des couches tourmentées, et qu’en général la roche s’effleurit d’une manière inégale, les parois et les cimes ont un aspect étrange.

Voici les observations que j’ai pu faire sur l’aspect de la population. Elle est en général vive et franche ; les formes varient peu ; chez les femmes, des yeux bruns, bien ouverts, et des sourcils très-bien dessinés ; chez les hommes, au contraire, de larges sourcils blonds. Leurs chapeaux verts, au milieu de ces rochers gris, produisent un effet agréable. Ils les portent ornés de rubans ou de larges bandes de taffetas à franges, très joliment fixées avec des épingles. Chacun porte d’ailleurs une fleur ou une plume à son chapeau. En revanche, les femmes se défigurent avec de larges bonnets de coton blanc, velus, comme seraient d’informes bonnets de nuit pour hommes. Cela leur donne un air des plus étranges, tandis que, hors du pays, elles portent les chapeaux verts des hommes, qui leur vont très-bien. J’ai eu l’occasion d’observer quelle valeur les gens du commun attachent aux plumes de paon, et combien ils estiment toute plume bigarrée. Qui voudrait parcourir ces montagnes devrait s’en pourvoir. Une de ces plumes, donnée à propos, tiendrait lieu du pourboire le plus agréable.

Pendant que je suis occupé à séparer, à réunir, à coudre et à mettre en ordre ces feuilles, pour qu’elles puissent bientôt donner à mes amis quelque idée de mes premières aventures et pour chasser en même temps de mon esprit ce que j’ai éprouvé et pensé jusqu’à ce moment, j’observe avec un certain effroi plusieurs paquets, sur lesquels il faut que je fasse franchement ma confession. Ne sont-ils pas mes compagnons de voyage ? N’auront-ils pas une grande influence sur les jours où je vais entrer ? J’avais apporté à Carlsbad tous mes écrits, pour mettre en ordre et terminer l’édition que Goeschen prépare. Je devais