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LE CHEVALIER.

Fort bien ! Mais ne me suis-je pas aussi montré avec un cœur qui dédaignait les moyens bas et vulgaires ? Ne désirais-je pas fonder mes meilleurs titres sur ma loyauté, ma droiture, ma fidélité, sur toutes les qualités enfin qui décorent un homme noble, un soldat ?… Et maintenant ?…

LE COMTE.

Et maintenant vous avez peur de la peau du renard, dont il vous faudrait couvrir votre crinière de lion ?

LE CHEVALIER.

Raillez, si cela vous plaît ! Je veux parler sérieusement, pour la dernière fois, avec un homme que je croyais mon ami. Oui, je vous le confesse, votre conduite m’a été longtemps suspecte. Ces connaissances secrètes, dans le vestibule desquelles je trouvais une nuit plus sombre qu’auparavant dans le vaste monde ; ces forces merveilleuses, qui nous étaient affirmées comme articles de foi ; cette parenté avec les esprits, ces stériles cérémonies, tout cela ne me présageait rien de bon : mais la grandeur de vos sentiments, que j’appris à connaître dans beaucoup de circonstances, l’éloignement de tout égoïsme, votre sympathie, votre obligeance, votre libéralité, tout cela m’annonçait au contraire le fonds inépuisable d’un noble cœur. J’étais suspendu à vos lèvres ; je suçai vos doctrines jusqu’à ce moment, qui a ruiné toutes mes espérances. Adieu !… Pour devenir un misérable et bas coquin, pour suivre le torrent et m’assurer seulement, au préjudice des autres, un éphémère et misérable avantage, il n’était pas besoin de ces préparations, de cet appareil, qui me font rougir et m’humilient. Je vous quitte. Arrive de moi ce qu’il pourra !

LE COMTE.

Regardez-moi, chevalier.

LE CHEVALIER.

Que désirez-vous de moi ?

LE COMTE.

Ce que vous me voyez faire, faites-le aussi. (Il ôte son chapeau.)

’ LE CHEVALIER.

Faut-il nous quitter avec cérémonie ?