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LE MARQUIS.

Non pas ! Il est ferme sur son siége. Il n’y a pas trace de faiblesse chez lui.

LA MARQUISE.

Silence ! Il remue. (£c Marquis et la Nièce s’éloignent de lui.) Le Comte, d’une voix forte et animée, en se levant brusquement

de son siège. Ici ! arrête, cocher ! Je veux descendre ici !

LA MARQUISE.

Où êtes-vous, comte ?

Le Comte, après un profond soupir.

Ah !… Voyez-vous ce qui m’arrive ? (Après une pause.) Vous en avez un exemple. (Une pause.) Je puis bien vous le confier…. Un ami, qui vit maintenant en Amérique, s’est trouvé, à l’improviste, dans un grand danger ; il a prononcé la formule que je lui ai révélée : alors je n’ai pu résister ! Mon âme s’est séparée de mon corps, et j’ai couru dans ces contrées. En peu de mots, il m’a découvert sa peine ; je lui ai donné un prompt avis : maintenant mon esprit est de retour, réuni à cette enveloppe terrestre, qui, dans l’intervalle, est restée comme une masse inanimée…. (Une pause.) Le plus singulier, c’est qu’une pareille absence se termine toujours par ceci, qu’il me semble aller en voiture effroyablement vite, voir ma demeure et appeler le postillon, qui est sur le point de passer outre…. N’ai-je pas fait quelque cri de ce genre ?

LA MARQUISE.

Sans doute, et vous nous avez effrayés…. Chose étrange et bizarre ! (A part.) Quelle impudence !

LE COMTE.

Mais vous ne sauriez croire combien je suis fatigué. Toutes mes jointures sont comme brisées ; il me faut des heures pour me remettre. Vous n’en soupçonnez rien ; vous imaginez qu’on fait tout à son aise avec la baguette magique.

LE MARQUIS.

Homme prodigieux et vénérable ! (A part.) Quel audacieux menteur !

La Nièce, s’approchant. Vous m’avez bien alarmée, monsieur le comte.