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LE COMTE.

Marquise, marquise, si j’étais moins indulgent, que deviendriez-vous ?

LA MARQUISE.

Que voulez-vous dire, monsieur le comte ?

LE COMTE.

Si j’étais moins indulgent et moins puissant tout ensemble ! Vous êtes un peuple léger ! Que de fois ne m’avez-vous pas supplié à genoux de vous introduire plus avant dans les mystères ! N’avez-vous pas promis de vous soumettre à toutes les épreuves, si je vous faisais voir le grand cophte ; si je vous faisais voir et toucher au doigt sa puissance sur les esprits ?… Et qu’avez-vous tenu ?

LA MARQUISE.

Point de reproches, excellent comte ! Vous nous avez assez punis.

LE COMTE.

Je me laisse fléchir. (Après un moment de ré/lexion.) Je vois bien que je dois m’y prendre autrement, et, par une consécration toute particulière, par l’emploi le plus énergique de mes dons merveilleux, vous rendre, en peu d’instants, purs et capables de paraître devant cet homme prodigieux. C’est une opération qui*, si elle ne réussit pas, peut être dangereuse pour chacun de nous : je préfère toujours que mes disciples se préparent d’eux-mêmes, afin que je puisse les introduire, paisiblement et sûrement, hommes transformés, dans la société des esprits.

LA MARQUISE.

Ne nous faites pas attendre plus longtemps. Rendez-nous heureux dès aujourd’hui, s’il est possible. J’aime mieux m’exposer au plus grand péril, qui ne dure qu’un instant, que de me soumettre à l’ordre sévère, qui, durant des mois, me dérobe mes jours et mes nuits.

LE COMTE.

Vous voulez tout obtenir aisément, aisément et sans gêne, et vous ne demandez pas combien le travail me deviendra difficile !




LA MARQUISE.