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Je vois bien que, dans le grand monde, on doit s’accoutumer à entendre ces paroles flatteuses. Je sens mon indignité et suis véritablement confuse. Il y a peu de temps, de pareils compliments m’auraient fort embarrassée.

LE CHEVALIER.

Comme elle parle bien !

La Marquise, s’asseyant. Ne vous ai-je pas annoncé qu’elle pourrait devenir dangereuse pour vous ?

Le Chevalier, s’asseyant près de la Marquise. Vous plaisantez, marquise ! (Le Marquis demande par gestes à la Nièce d’arranger quelque chose à la cocarde de son chapeau, au cordon de sa canne ; elle le fait, en s’asseyant à une petite table, visà-vis de la Marquise. Le Marquis reste debout près de la Nièce.)

LA MARQUISE.

Comment avez-vous laissé le chanoine ?

Le Chevalier.

Il paraissait chagrin et embarrassé. Je ne lui en fais pas un reproche : le comte nous a surpris, et, je puis bien le dire, il est venu à contre-temps pour tout le monde.

LA MARQUISE.

Et vous vouliez résister aux esprits, l’épée à la main ?

LE CHEVALIER.

Je vous assure que depuis longtemps l’arrogance du comte m’était insupportable. Je lui aurais déjà résisté quelquefois en face, si son rang, son âge, son expérience, ses autres grandes qualités, plus que sa bonté pour moi, ne m’inspiraient pas le plus grand respect. Je ne le nie pas, il m’est souvent suspect. Parfois il me semble un menteur, un imposteur ; et tout à coup je me sens de nouveau attaché à lui et comme enchaîné par le pouvoir de sa présence.

LA MARQUISE.

A qui n’en arrive-t-il pas autant ?

LE CHEVALIER.

A vous aussi ?

LA MARQUISE.

A moi aussi.