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Tu étais absent quand je partis. Aussitôt que le prince et la princesse se furent retirés dans leur château de plaisance, je louai dans le voisinage une petite maison de campagne, et j’y demeurai tranquille, tandis que le chanoine se figurait que je voyais la princesse tous les jours. Je lui envoyais des messages, ie recevais de lui des lettres, et son espérance était excitée au plus haut point ; car de savoir combien cet homme est malheureux, depuis que sa folle conduite l’a éloigné de la cour ; combien il est crédule, quand on flatte ses espérances, c’est ce qu’on ne peut imaginer. Je n’avais pas besoin d’y mettre autant de finesse que j’ai fait, et je l’aurais néanmoins persuadé.




LE MARQUIS.

Mais, à la longue, cette fable ne peut se soutenir.

LA MARQUISE.

Laisse-m’en le soin. Il touche maintenant au comble de la félicité. Cette nuit, qu’il m’a reçue dans sa maison de campagne, je lui ai remis une lettre de la princesse….

LE MARQUIS.

De la princesse ?…

LA MARQUISE.

Que j’avais écrite moi-même. Elle était conçue en termes généraux ; la messagère, ajoutait-elle, en dirait davantage.

LE MARQUIS.

-Et puis ?

LA MARQUISE.

Je lui annonçai la grâce de la princesse ; je l’assurai qu’elle s’emploierait auprès de son père, et qu’elle obtiendrait certainement pour lui la grâce du prince.

LE MARQUIS.

Bon ! mais quel avantage te promets-tu de tout cela ?

LA MARQUISE.

D’abord une bagatelle, que nous allons partager sur-lechamp. (Elle tire une bourse.)

LE MARQUIS.

Excellente femme !

LA MARQUISE.

J’ai reçu cela du chanoine, pour mettre dans nos intérêts la garde-robe de la princesse. Prends-en d’abord ta moitié, (Le marquis