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toi, vivre pour toi, serait mon unique et suprême bonheur. Ainsi donc, que ton cœur seul fixe les conditions de notre alliance !




EUGÉNIE.

.Il faut que désormais, connue de toi seul, évitant le monde, je vive cachée. Si tu possèdes une campagne tranquille, éloignée, veuille me la consacrer et m’y faire conduire.

LE CONSEILLER.

Je possède un petit bien, agréablement situé ; mais la maison est vieille, à demi ruinée. Tu pourras bientôt trouver dans ces environs l’habitation la plus belle : elle ne sera pas chère.

EUGÉNIE.

Non, laisse-moi me retirer dans la maison qui tombe en ruine : elle répond à ma situation, à mes sentiments. Et, s’ils redeviennent sereins, je trouverai d’abord une matière prête pour mon activité. Aussitôt que je t’appartiendrai, permets que, suivie d’un serviteur vieux et fidèle, je m’ensevelisse dans l’espérance d’une heureuse résurrection.

LE CONSEILLER.

Et quand oserai-je y paraître pour te rendre visite ?

EUGÉNIE.

Tu attendras patiemment mon appel. Ce jour aussi viendra, pour nous unir, peut-être plus étroitement, par une sérieuse chaîne.

LE CONSEILLER.

Tu m’imposes une dure épreuve.

EUGÉNIE.

Remplis tes devoirs envers moi. Sois sûr que je connais les miens, lin m’otfrant ta main pour me sauver, tu risques beaucoup. Si je suis découverte, si je le suis trop tôt, tu pourras beaucoup souffrir. Je te promets le plus profond silence. Nul ne doit apprendre d’où je viens ; mes amis éloignés, je ne les visiterai eux-mêmes qu’en esprit ; pas une ligne d’écriture, pas un messager, ne me nommera dans le lieu où peut-être une étincelle pourrait s’allumer pour mon salut.

LE CONSEILLER.

Dans cette grave circonstance, que dois-je te dire ? La bouche peut souvent jurer avec effronterie un amour désintéressé, lorsque,