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NIE, LA GOUVERNANTE.

EUGÉNIE.

Comment 1 Une main souveraine ? Que veut faire entendre cette femme hypocrite ? Est-ce Dieu qu’elle veut dire ? La majesté céleste est certainement étrangère à cette violence. Veutelle dire notre roi ? Soit. Je dois souffrir ce qu’il ordonne de moi. Mais je ne veux plus flotter entre l’amour et la crainte ; je ne veux plus, comme une femme, au moment où je péris, ménager mon cœur et ses timides sentiments. Qu’il se brise, s’il doit se briser ! Et maintenant je demande à voir cette feuille, que ce soit mon père ou mon roi qui ait signé mon arrêt de mort. Cette divinité courroucée qui m’écrase, je veux la regarder en face avec courage. Oh ! que ne suis -je devant elle ! Il est terrible, le dernier regard de l’innocence opprimée.

LA GOUVERNANTE.

Je ne t’ai jamais refusé cette feuille : prends-la.

Eugénie, jetant les yeux sur le papier sans le déplier.

C’est la destinée étrange de l’homme, que, dans la plus grande souffrance, il lui reste encore la crainte d’une nouvelle perte. Sommes-nous si riches, ô dieux, que vous ne puissiez tout nous ravir d’un seul coup ? Cette feuille m’a enlevé le bonheur de la vie, et me laisse encore appréhender de plus grandes douleurs. (Elle déplie la feuille.) Eh bien, courage, mon cœur, et ne frémis pas de boire le fond de ce calice amer. (Elle jette les yeux sur le papier.) La main et le sceau du roi !

La Gouvernante, reprenant la feuille.

Chère enfant, plains-moi, en pleurant sur toi-même. Je me suis chargée de ce douloureux office ; je n’accomplis l’ordre de l’autorité souveraine que pour t’assister dans ta détresse, pour ne pas t’abandonner à une main étrangère. Ce qui afflige mon îîme, ce que je connais encore de cet affreux événement, tu l’apprendras plus tard. Maintenant pardonne-moi, si la nécessité, avec sa main de fer, nous force de nous embarquer sans délai. (Elle s’éloigne.)




SCÈ