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la jeunesse et l’innocence ? Qui êtes-vous donc, vous qui vous glorifiez, avec un vain orgueil, de faire plier la force sous le droit ?

LE CONSEILLER.

Dans les sphères bornées, nous réglons, avec une exacte justice, ce qui se passe et repasse dans les rangs moyens de la société ; mais au-dessus, dans les espaces infinis, ce qui s’agite avec une étrange violence, ce qui sauve ounui tue, sans conseils et sans jugement : cela est réglé peut-être d’après d’autres mesures et d’autres calculs, et reste une énigme pour nous.

EUGÉNIE.

Est-ce là tout ? N’as-tu rien de plus à dire, à m’annoncer ?

LE CONSEILLER.

Rien.

EUGÉNIE.

Je ne le crois pas. Je ne veux pas le croire.

. LE CONSEILLER.

Laisse-moi, oh ! laisse-moi m’éloigner. Me faut-il passer pour un homme lâche, irrésolu ? Me faut-il te plaindre et gémir ? Ne devrais-je pas, d’une main lîardie, t’indiquer quelque refuge ? Mais cette hardiesse même ne m’expôserait-elle pas au plus affreux danger, celui d’être méconnu de toi, de paraître indigne et téméraire, si le but est manqué ?

EUGÉNIE.

Je ne te laisse point aller, toi que mon bonheur, mon ancien bonheur, m’a secrètement adressé. Il m’a gardé, soigné, dès mon enfance, et maintenant, dans ce violent orage, il m’envoie le noble représentant de sa faveur. N’ai-je pas du voir et sentir que tu t’intéresses à moi et à mon sort ? Je ne suis pas ici sans influence…. Tu médites…. tu réfléchis…. tu observes, tu parcours, en ma faveur, le vaste cercle de ton expérience de jurisconsulte : je ne suis pas encore perdue ! Oui, tu cherches uu moyen de me sauver ! Tu l’as déjà trouvé peut-être ! Ton regard, ton regard sérieux, profond, bienveillant et soucieux, me l’assure. Oh ! ne te détourne pas ! Oh ! prononce une grande parole, qui retentisse pour mon salut !

LE CONSEILLER.

Ainsi se tourne, plein de confiance, vers le médecin l’homme