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SCÈNE IV.

LE DUC, L’ABBÉ.

L’abbé.

Grand prince, je nourrissais un vif désir de paraître devant toi ; et je le vois satisfait, à l’heure qui nous plonge tous deux dans un profond désespoir.

LE DUC.

Et néanmoins, messager de douleur, sois le bienvenu ! Tu l’as vue encore, tu as recueilli dans ton cœur son suprême et douloureux regard ; tu as reçu attentivement sa dernière parole ; tu as répondu avec compassion à son dernier soupir. Oh ! dis-le-moi, a-t-elle parlé encore ? Qu’a-t-elle dit ? A-t-elle pensé à son père ? M’apportes-tu de sa bouche de tendres adieux ?

L’abbé.

Il semble bienvenu le messager de douleur, aussi longtemps qu’il se tait, et qu’il laisse en notre cœur une place à l’espérance, une place à l’illusion : le malheur énoncé est odieux.

LE DUC.

Que tardes-tu ? Que puis-je apprendre encore ? Elle n’est plus, et, dans ce moment, le silence et le repos couvrent son cercueil. Quoi qu’elle ait souffert, cela est passé pour elle ; c’est pour moi que la douleur commence : mais parle, toutefois !

L’abbé.

La mort est un mal universel. Envisage ainsi la destinée de ta fille morte, et gardons le silence sur le passage, sombre comme la nuit du tombeau, qui l’a conduite chez les morls ! Chacun ne descend pas insensiblement, par un doux sentier, dans le paisible royaume des ombres. C’est souvent avec de violentes douleurs que la destruction nous entraîne, par des tortures infernales, dans le sein du repos.

Le Duc.

Elle a donc beaucoup souffert ?

L’abbé.

Beaucoup, mais peu de temps.




LE DUC.