Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/428

Cette page n’a pas encore été corrigée

TAIRE.

Ce que font souvent et avec succès nos meilleurs cavaliers, comment devait-il être pour toi le présage du malheur ?

LE DUC.

J’ai bien pressenti ces douleurs, quand, pour la dernière fois…. pour la dernière fois !… Tu le prononces le mot terrible, qui enveloppe de ténèbres ton sentier ! Oh ! si je l’avais seulement vue encore une fois ! Peut-être aurais-je détourné ce malheur. Je l’aurais priée, suppliée, comme père ; je l’aurais exhortée, de la manière la plus tendre, à se ménager pour moi, et à renoncer, en considération de notre bonheur, à des courses furieuses et téméraires. Hélas ! cette heure ne me fut pas donnée ; et maintenant je pleure ma chère enfant ! Elle n’est plus. Elle n’est devenue plus audacieuse que pour avoir si aisément échappé à la première chute. Et personne pour l’avertir, pour la conduire ! Elle était trop avancée pour cette discipline de femme. Dans quelles mains laissais-je un pareil trésor ? Dans les mains faibles et complaisantes d’une femme. Pas une ferme parole, pour diriger vers une sage modération la volonté de mon enfant ! On lui laissait le champ ouvert pour une liberté illimitée, pour toute audacieuse tentative. Souvent je le sentais, et me le disais confusément : chez cette femme elle était mal surveillée.

LE SECRÉTAIRE.

Oh ! ne blâme pas cette infortunée ! Poursuivie par la plus profonde douleur, elle erre maintenant désespérée, qui sait dans quel pays ? Elle a pris la fuite : car qui oserait te regarder en face, ayant à craindre seulement le plus léger reproche ?

LE DUC

Oh ! laisse-moi décharger sur d’autres une injuste colère, pour ne pas me déchirer moi-même avec désespoir. J’expie la faute, et je l’expie durement. Car n’ai-je pas appelé par mes folles entreprises le danger et la mort sur cette tête chérie ? La voir partout exceller était mon orgueil ! Je l’expie trop chèrement. Il fallait qu’à cheval, en voiture, domptant les chevaux, elle brillât comme une héroïne. Lorsqu’elle plongeait dans l’eau, qu’elle nageait, elle me semblait commander en déesse aux éléments. Ainsi, disait-on, elle pourra un jour échapper à toul