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l’on réfléchisse avant de se mettre à l’œuvre.

LE SECRÉTAIRE.

Même quand on est à l’œuvre, la réflexion trouve sa place.

L’abbé.

Pour moi, je n’ai plus à réfléchir. Cela eût été de saison, quand je vivais encore dans le paradis des plaisirs bornés ; lorsque, dans l’étroit enclos de mon jardin, je greffais moi-même les arbres semés de mes mains ; qu’un humble potager suffisait aux besoins de ma table ; que le contentement répandait encore sur toutes choses, dans ma petite maison, le sentiment de l’abondance, et que, selon mes lumières, je parlais du cœur à mes paroissiens, comme ami, comme père ; que je m’empressais de prêter aux bons une main secourable ; que je résistais au méchant comme au mal. Oh ! si un bon génie t’avait écarté de ma porte, le jour où tu vins y frapper, fatigué de la chasse et altéré ; ce jour où tu sus me charmer par tes manières flatteuses et tes douces paroles ! Ce beau jour, consacré à l’hospitalité, fut le dernier d’une paix goûtée sans mélange.

LE SECRÉTAIRE.

Nous t’avons procuré bien des jouissances.

• L’abbé.

Et vous m’avez imposé bien des besoins. Je devins pauvre alors, quand je connus les riches ; je devins soucieux, car je sentais des privations ; je fus indigent, car j’avais besoin de secours étrangers. Vous vîntes à mon aide : je le paye chèrement. Vous me prîtes pour associé à votre bonheur, pour compagnon dans vos entreprises. Vous engagez comme esclave, devrais-je dire, un homme, libre autrefois, opprimé maintenant. Vous le récompensez, il est vrai, mais Vohs lui refusez encore la récompense qu’il croit pouvoir demander.

LE SECRÉTAIRE.

Compte que, dans peu de temps, nous te comblerons de biens, d’honneurs et de bénéfices.

L’abbé.

Ce n’est pas là ce que je dois attendre.

LE SECRÉTAIRE.

Et quelle nouvelle demande formes-tu donc ?