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moment qu’il ne convient à un homme. Nous avons fait un singulier échange de nos devoirs : je dois te conduire et c’est toi qui me conduis.




EUGÉNIE.

Eh bien, mon père,.monte avec moi dans les régions où se lève aujourd’hui pour moi ce nouveau soleil d’un éclat si pur. Mais que, dans ces belles heures, je provoque ton sourire, en te découvrant aussi l’objet de mes inquiétudes.

LE DUC.

Explique-toi.

EUGENIE.

Il y a dans la vie bien des circonstances importantes, où le cœur des mortels est assailli par la joie et la douleur. Si, vous autres "hommes, vous oubliez alors votre extérieur, et vous présentez souvent avec négligence devant la foule, une femme désire encore de plaire à chacun, et, par un costume recherché, une toilette accomplie, elle veut être distinguée et paraître sur tous digne d’envie. On me l’a dit souvent, et je l’ai souvent observé, et je sens aujourd’hui, dans le moment le plus décisif de ma vie, que je dois aussi mon tribut à la faiblesse des jeunes filles.

LE DUC.

Quelles choses peux-tu souhaiter que tu n’obtiennes pas ?

EUGÉNIE.

Tu es disposé à tout m’accorder, je le sais. Mais le grand jour est proche, trop proche pour tout préparer dignement ; et ce qu’il faut d’étoffes, de broderies, de dentelles et de joyaux pour ma parure, comment pourra-t-on se le procurer, comment achever ces apprêts ?

LE DUC.

Un bonheur longtemps souhaité nous surprend ; mais nous pouvons nous être préparés à le recevoir. Tout ce qu’il te faut est prêt, et, aujourd’hui même, tu recevras, dans une précieuse cassette, des présents que tu n’attendais pas. Cependant je t’impose une légère épreuve, comme présage de bien d’autres plus difficiles. Voici la clef : garde-la bien ; réprime ton désir ; n’ouvre pas ce trésor avant que je te revoie. Ne te confie à personne, qui que ce puisse être. La prudence le conseille ; le roi lui-même le commande.




EUGÉNIE.