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les terres de ton serviteur, qui en fut investi par ta faveur royale et celle de tes ancêtres, comme premier vassal de ton royaume. De l’autre côté de ce rocher, sur la pente verte, se cache une jolie maison, qui ne fut nullement bâtie pour un hôte tel que toi, mais qui est prête à te recevoir avec le respect qui t’est dû.




LE ROI.

Laisse les hautes voûtes de ces arbres nous prêter leur ombre agréable pour le moment du repos ; laisse les jeux caressants de ces zéphyrs nous envelopper doucement, afin qu’au tumulte et à l’ardeur du plaisir de la chasse se joigne aussi le plaisir du repos.

LE DUC.

Comme toi, sire, derrière ce boulevard de la nature, je me sens tout à coup entièrement séparé du monde. Ici tu n’es pas assiégé par la voix des mécontents, par les mains ouvertes d’impudents solliciteurs. Solitaire par choix, tu ne remarques pas si les ingrats s’éloignent furtivement. Ici n’arrive pas le monde importun, qui demande sans cesse et ne veut jamais servir.

LE ROI.

Si tu veux que j’oublie ce qui chaque jour m’obsède, il faut que nulle parole ne m’en fasse souvenir. Que le retentissement des bruits lointains du monde expire peu à peu dans mon oreille. Oui, cher oncle, tourne la conversation sur des objets plus convenables à ce lieu. Ici des époux doivent se promener ensemble, considérer avec délices leur bonheur croissant dans des enfants bien nés ; ici un ami doit s’approcher de son ami pour lui livrer avec confiance le secret de son cœur ; et naguère ne m’as-tu pas fait entendre avec mystère que tu espérais, dans un moment tranquille, me déclarer une liaison secrète…. et m’avouer avec candeur, dans l’espérance de les voir accomplis, le gracieux objet de vœux ardents ?

LE DUC.

Sire, tu ne pouvais m’accorder une faveur plus grande et plus chère, que de m’inviter en ce moment à rompre le silence. Ce que j’ai à dire pourrait-il être mieux écouté par un autre que par mon roi, pour qui, parmi tous ses trésors, aucun ne brille comme ses enfants, et qui partagera cordialement avec son sujet la suprême