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ches et de tuiles les citronniers, et les préserverai bien avec des nattes de roseaux ! Les belles fleurs pousseront de larges racines dans le parterre ; chaque allée, chaque retraite, sera propre et bien tenue. Et laissez-moi aussi le soin du palais. J’ouvrirai à propos les fenêtres, afin que l’humidité ne gâte point les tableaux ; les murs, élégamment décorés d’ouvrages en stuc, j’aurai soin d’en chasser la poussière. Les pavés brilleront de blancheur et de propreté ; pas une pierre, pas une tuile, qui se déplacent ; pas une ouverture où l’on voie germer un brin d’herbe.

La Princesse.

Je ne trouve nul conseil dans mon cœur, et je n’y trouve aucune consolation pour toi… et pour nous. Mon œil cherche de tous côtés, si quelque dieu ne viendra pas à notre secours ; s’il ne me découvrira point une plante salutaire, un breuvage, qui rende la paix à tes sens, qui nous rende la paix ! La plus sincère parole qui s’échappe de nos lèvres, le plus doux moyen de salut n’a plus de pouvoir. Il faut que je te laisse, et mon cœur ne peut te laisser.

Le Tasse.

Ô dieux, est-ce bien elle qui te parle, et qui prend pitié de toi ? Et pouvais-tu méconnaître ce noble cœur ? Était-il possible qu’en sa présence le découragement te saisît et se rendît maître de toi ? Non, non, c’est toi, et maintenant c’est aussi moi. Oh ! poursuis et laisse-moi recueillir de ta bouche toutes les consolations ! Ne me refuse pas tes conseils ! Oh ! parle, que dois-je faire, pour que ton frère puisse me pardonner ; pour que tu veuilles bien me pardonner toi-même ; pour que vous puissiez encore me compter avec joie parmi les vôtres ? Parle !

La Princesse.

Ce que nous te demandons est très-peu de chose, et pourtant il semble que ce soit beaucoup trop. Il faut te livrer toi-même à nous avec amitié. Nous n’exigeons point de toi ce que tu n’es pas ; tout ce que nous voulons, c’est que tu sois satisfait de toi-même. Tu nous donnes la joie quand tu l’éprouves, et tu nous affliges quand tu la fuis ; et, si tu nous causes aussi de l’impatience, c’est seulement parce que nous voudrions te secourir, et que nous voyons, hélas ! tout secours impossible, si tu ne