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prennent seules à en estimer les biens ? Si jeune, il a déjà trop obtenu pour être capable de jouir modérément. Ah ! s’il devait d’abord gagner ce qui lui est maintenant offert à pleines mains, il emploierait courageusement ses forces, et pas à pas il se sentirait satisfait. Un pauvre gentilhomme touche au but de son plus beau souhait, dès qu’un noble prince veut bien le choisir pour son courtisan, et, d’une main bienfaisante, le tire de la pauvreté… Lui accorde-t-il encore sa confiance et sa faveur, et daigne-t-il l’élever à son côté au-dessus des autres, soit dans les armes, soit dans les affaires ou dans, sa familiarité : il me semble que l’homme modeste pourrait jouir humblement de son bonheur avec une tranquille reconnaissance. Et, avec tout cela, le Tasse possède encore ce qui est pour un jeune homme le plus bel avantage, que déjà sa patrie le connaît et qu’elle espère en lui. Oh ! crois-moi, son capricieux mécontentement repose sur le large oreiller de son bonheur. Il vient, donne-lui congé avec bienveillance ; donne-lui le temps de chercher à Rome ou à Naples, où il voudra, ce qui lui manque chez toi, et qu’il ne peut retrouver que chez toi.

Alphonse.

Veut-il retourner d’abord à Ferrare ?

Antonio.

Il désire séjourner à Belriguardo ; il se fera envoyer par un ami les choses les plus nécessaires pour son voyage.

Alphonse.

J’y consens. Ma sœur va retourner à la ville avec son amie ; j’y vais à cheval et serai avant elles à la maison. Tu nous suivras bientôt, quand tu te seras occupé du Tasse. Donne au châtelain les ordres nécessaires, en sorte qu’il puisse rester au château aussi longtemps qu’il voudra, en attendant ses effets, que lui enverront ses amis, et les lettres que je me propose de lui donner pour Rome. Il vient. Adieu ! (Antonio s’éloigne.)