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et pourrais agir sur son cœur comme une amie. Ici cependant tu rapprocherais de toi et de tes amis Antonio, qui nous est devenu si étranger : ainsi le temps salutaire, qui peut beaucoup donner, ferait peut-être ce qui semble impossible aujourd’hui.

La Princesse.

Tu veux t’assurer la jouissance, ô mon amie, et m’imposer la privation : est-ce là être juste ?

Éléonore.

Tu ne seras privée que d’un bien dont tu ne pourrais d’ailleurs jouir dans cette conjoncture.

La Princesse.

Dois-je si tranquillement bannir un ami ?

Éléonore.

Dis plutôt conserver celui que tu ne banniras qu’en apparence.

La Princesse.

Mon frère ne le laissera point partir de bon gré.

Éléonore.

S’il voit la chose comme nous, il cédera.

La Princesse.

Il est si pénible de se condamner dans un ami !

Éléonore.

Et cependant tu sauves ton ami par ce sacrifice.

La Princesse.

Je ne donne pas mon consentement à ce départ.

Éléonore.

Attends-toi donc à un plus grand mal.

La Princesse.

Tu m’affliges, sans savoir si tu me rends service.

Éléonore.

Nous apprendrons bientôt qui se trompe.

La Princesse.

Si cela doit être, ne me consulte pas plus longtemps.

Éléonore.

Qui peut se résoudre triomphe de la douleur.

La Princesse.

Je ne suis point résolue ; mais soit : s’il ne s’éloigne pas pour longtemps !… Et prenons soin de lui, Éléonore, en sorte qu’il n’ait pas à souffrir par la suite quelques privations ; que le duc