Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/318

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ensemble le plus auguste tribunal qui ait jamais prononcé sur l’honneur, le mérite et la vertu. Si tu les passes en revue l’un après l’autre, tu n’en trouveras aucun qui doive rougir de son voisin… » Alors les barrières s’ouvrirent : les chevaux battaient du pied ; les casques et les boucliers étincelaient ; les écuyers se pressaient ; les trompettes sonnaient et les lances fracassées volaient en éclats ; les casques et les boucliers résonnaient sous les coups ; les tourbillons de poussière enveloppaient, pour un instant, la gloire du vainqueur et la honte du vaincu. Oh ! laisse-moi tirer le rideau devant ce spectacle trop brillant pour moi, afin qu’en ce beau moment mon indignité ne me soit pas trop cruellement sensible.

La Princesse.

Si cette noble assemblée, si ces exploits t’enflammaient d’une généreuse émulation, je pouvais, jeune ami, t’offrir en même temps la secrète leçon de la patience. Les fêtes que tu vantes, que cent témoins me vantaient alors, et m’ont vantées bien des années après, je ne les ai pas vues. Dans un secret asile, où, presque sans cesse, le dernier écho de la joie pouvait s’évanouir, j’avais à supporter bien des douleurs et bien des tristes pensées. Avec ses larges ailes, l’image de la mort planait devant mes yeux, et me cachait la vue du monde toujours nouveau. Cette image ne s’éloigna que peu à peu, et me laissa entrevoir, comme à travers un crêpe, pâles encore, mais agréables, les mille couleurs de la vie. Je voyais de nouveau se mouvoir doucement des formes vivantes. Pour la première fois, encore soutenue par mes femmes, je sortis de ma chambre de douleur ; Lucrèce, pleine d’allégresse et de vie, vint à moi, te conduisant par la main. Tu fus le premier étranger, le premier inconnu, que je rencontrai dans cette vie nouvelle. J’en espérai beaucoup pour toi et pour moi ; et jusqu’ici l’espérance ne nous a pas trompés.

Le Tasse.

Et moi, troublé par le tourbillon de la foule, ébloui par tant d’éclat, et agité de maintes passions, le long des tranquilles galeries du palais, je marchais en silence à côté de ta sœur, puis j’entrai dans la chambre, où bientôt, appuyée sur tes femmes, tu parus devant nous… Quel moment pour moi que ce-