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ACTE DEUXIÈME.


Un salon.




Scène I.

LA PRINCESSE, LE TASSE.
Le Tasse.

Je te suis, ô princesse, d’un pas incertain, et des pensées sans ordre et sans mesure s’agitent dans mon âme. La solitude semble m’appeler, me dire tout bas, d’une voix caressante : « Viens, je dissiperai les doutes nouveaux qui se sont élevés dans ton cœur. » Cependant, si je jette un regard sur toi, si mon oreille attentive recueille un mot de tes lèvres, un nouveau jour se lève autour de moi, et tous mes liens se détachent. Je te l’avouerai volontiers, cet homme arrivé soudainement auprès de nous m’a brusquement réveillé d’un beau rêve. Ses manières, ses paroles, m’ont si étrangement affecté, que je sens plus que jamais deux hommes en moi, et que je suis de nouveau avec moi-même dans un pénible combat.

La Princesse.

Il est impossible qu’un ancien ami, qui, longtemps éloigné, a vécu d’une vie étrangère, au moment où il nous rejoint, se trouve d’abord tel qu’autrefois. Il n’est pas changé au fond ; vivons seulement quelques jours avec lui, nous nous mettrons d’accord de part et d’autre, jusqu’à ce qu’une heureuse et belle harmonie nous unisse de nouveau. Quand lui-même il connaîtra mieux l’ouvrage que tu viens de produire, il te placera certainement à côté du poëte qu’il t’oppose aujourd’hui comme un géant.