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obtenir quelque avantage, on n’obtient rien, à moins qu’on n’y porte soi-même une offrande : heureux encore, si l’on obtient quelque chose.

Antonio.

Ce n’est ni par ma conduite, ni par mon adresse, monseigneur, que j’ai accompli ta volonté. En effet, quel politique ne trouverait son maître au Vatican ? Bien des choses se sont rencontrées, que je pouvais employer à notre avantage. Grégoire te considère et te salue et te bénit. Ce vieillard, le plus digne qui fut jamais de porter une couronne, se souvient avec joie du temps où il te serrait dans ses bras. Cet homme, qui sait juger les hommes, te connaît et te célèbre hautement. Il a fait beaucoup pour l’amour de toi.

Alphonse.

Je me réjouis de son estime, pour autant qu’elle est sincère. Mais, tu le sais bien, du haut du Vatican on voit déjà les royaumes bien petits à ses pieds : que sera-ce des princes et des hommes ? Avoue seulement ce qui t’a le plus aidé.

Antonio.

Eh bien ! puisque tu le veux, c’est le grand sens du pape. Il voit petit ce qui est petit, et grand ce qui est grand ; afin de régner sur le monde, il cède volontiers et amicalement à ses voisins. Il sait bien apprécier, comme ton amitié, l’étroit territoire qu’il t’abandonne. Il veut que l’Italie soit tranquille ; il veut voir des amis dans son voisinage, maintenir la paix à ses frontières, afin que les forces de la chrétienté, qu’il dirige de sa main puissante, détruisent ici les Turcs, là les hérétiques.

La Princesse.

Connaît-on les hommes qui sont, plus que d’autres, l’objet de sa faveur, ceux qui sont admis à sa familiarité ?

Antonio.

L’homme expérimenté possède seul son oreille ; l’homme actif, sa confiance, sa faveur. Lui, qui a servi l’État dès sa jeunesse, il le gouverne aujourd’hui, et il agit sur les cours qu’il a vues autrefois comme ambassadeur, qu’il a connues et souvent dirigées. Le monde est aussi nettement devant ses yeux que l’avantage de ses propres États. Quand on le voit agir, on le loue ; et l’on est réjoui, quand le temps découvre ce qu’il a longuement