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LE BAILLI.

Que faites-vous là, gracieuse comtesse ?

FRÉDÉRIQUE.

J’ai chargé la carabine pour demain matin : un vieux cerf tombera.

LE BAILLI.

Hé ! hé ! charger dès aujourd’hui, et la poudre dans le bassinet ! C’est une imprudence ! Un malheur peut arriver si aisément !

FRÉDÉRIQUE.

Hé quoi ? J’aime à me trouver toute prête. (Elle lève la carabine et la dirige, comme par hasard, contre le bailli.)

LE BAILLI.

Hé ! gracieuse comtesse, jamais contre une personne un fusil chargé ! Le diable peut jouer de ses tours.

FRÉDÉRIQUE, dans la même position.

Écoutez, monsieur le bailli, je dois vous dire un mot en confidence… c’est que vous êtes un infâme scélérat.

LE BAILLI.

Quelles expressions, ma gracieuse… Éloignez cette carabine.

FRÉDÉRIQUE.

Ne remue pas de la place, maudit coquin. Vois-tu, le fusil est armé : vois-tu, je couche en joue !… Tu as volé un document…

LE BAILLI.

Un document ? Je n’ai aucune idée d’un document.

FRÉDÉRIQUE.

Vois-tu, je presse la détente : tout est prêt, et, si tu ne rends pas sur-le-champ le document, ou si tu ne m’indiques pas en quel lieu il se trouve ou ce qu’il est devenu, je touche cette petite aiguille, et tu es roide mort sur la place.

LE BAILLI.

Pour l’amour de Dieu !

FRÉDÉRIQUE.

Où est le document ?

LE BAILLI.

Je ne sais… Écartez la carabine… Vous pouvez par mégarde…