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BRÊME.

Oui, oui, je le sais bien : aussi ai-je excusé les gens, lorsque souvent ils ne pouvaient me comprendre, et lorsque mes imbéciles croyaient se moquer de moi. Mais je veux leur montrer que celui qui s’entend bien à faire mousser le savon ; celui qui sait savonner d’une main habile, aisée et légère, apprivoiser la barbe la plus revêche ; celui qui sait qu’un rasoir fraîchement repassé écorche aussi bien qu’un rasoir émoussé ; celui qui rase selon le poil ou à contre-poil, comme s’il n’y avait pas eu trace de barbe ; celui qui donne à l’eau chaude la température convenable pour laver ; qui même essuie avec grâce, et montre dans toutes ses façons quelque chose d’élégant, n’est point un homme ordinaire, mais doit posséder toutes les qualités qui font honneur à un ministre d’État.

ALBERT.

Oui, oui, il y a barbier et barbier.

MARTIN.

Et M. Brême surtout, c’est un vrai plaisir !…

BRÊME.

Laissez, laissez : on verra bien. Dans tout cet art, il n’y a rien d’insignifiant. La manière d’étaler et de refermer la trousse, la manière de tenir les instruments, de la porter sous le bras… Vous verrez et vous entendrez des merveilles. Mais il est temps que j’aille rejoindre ma fille. Vous autres, allez à vos postes. Vous, maître, tenez-vous dans le voisinage.

LE GOUVERNEUR.

Je vais à l’auberge, où j’ai fait porter mes hardes, dès que l’on m’eut maltraité au château.

BRÊME.

Quand vous entendrez le tocsin, vous serez libre de vous joindre à nous ou d’attendre que nous ayons réussi, ce dont je ne doute nullement.

LE GOUVERNEUR.

Je n’y manquerai pas.

BRÊME.

Adieu donc, et prenez garde au signal.