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une heure elles seront ici. Nous surprenons le château, nous forçons la comtesse à signer le compromis, et à prêter serment qu’à l’avenir toutes les charges oppressives seront abolies.

LE GOUVERNEUR.

Je suis confondu.

BRÊME.

Je n’ai plus qu’un scrupule, au sujet du serment. Les nobles ne croient plus à rien. Elle prêtera serment et s’en fera délier. On lui prouvera qu’un serment forcé est sans valeur.

LE GOUVERNEUR.

Pour cela je vous donnerai un conseil. Ces gens qui se mettent au-dessus de tout, qui traitent leurs semblables comme le bétail, qui, sans amour, sans pitié, sans crainte, vivent insolemment au jour le jour, aussi longtemps qu’ils ont affaire avec des hommes qu’ils n’estiment pas, aussi longtemps qu’ils parlent d’un Dieu qu’ils ne reconnaissent pas : cette race orgueilleuse ne peut cependant se défaire d’une horreur secrète, qui s’insinue dans toutes les forces vives de la nature ; ne peut se dissimuler la liaison dans laquelle demeurent à jamais unis la parole et l’effet, l’acte et sa conséquence. Faites-lui prêter un serment solennel.

MARTIN.

Elle fera ce serment dans l’église.

BRÊME.

Non, sous la voûte du ciel.

LE GOUVERNEUR.

Ce n’est rien que cela. Ces scènes solennelles n’ébranlent que l’imagination. Je vous enseignerai un autre moyen. Entourez-la, et, au milieu de vous, faites-lui poser la main sur la tête de son fils ; faites-lui confirmer ses promesses par cette tête chérie, et appeler sur cette petite créature tous les maux qui peuvent atteindre un être humain, si, sous quelque prétexte que ce fût, elle retirait sa promesse ou consentait qu’elle fût annulée.

BRÊME.

À merveille !

MARTIN.

C’est affreux.

ALBERT.

Croyez-moi, elle sera liée pour l’éternité.