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LE GOUVERNEUR.

À quoi bon cet étrange discours ? Où vous mènera cet exorde bizarre ? Dites-vous cela pour échauffer encore plus ma colère contre cette engeance maudite ? pour exciter encore davantage mon ressentiment, animé au plus haut point ? Taisez-vous ! En vérité, je ne sais de quoi mon cœur blessé ne serait pas capable maintenant. Quoi ! après tant de services, après tant de sacrifices, me traiter de cette façon ! me mettre à la porte ! Et pourquoi ? Pour une misérable bosse, pour un nez écaché, avec quoi vont jouer et sauter des centaines d’enfants ! Mais cela vient à propos, tout à fait à propos ! Ils ne savent pas, les grands, qui ils offensent en nous, qui avons une langue, qui avons une plume !

BRÊME.

Cette noble colère me réjouit ; et je te demande donc, au nom de tous les hommes nobles, nés libres, dignes de la liberté, si tu veux désormais consacrer entièrement cette langue, cette plume, au service de la liberté ?

LE GOUVERNEUR.

Oh oui, je le veux ! je le ferai !

BRÊME.

Vous ne négligerez aucune occasion de concourir à ce noble but, vers lequel aujourd’hui tend à s’élever l’humanité tout entière ?

LE GOUVERNEUR.

Je vous en donne ma parole.

BRÊME.

Eh bien, donnez-nous votre main, à moi et à ces hommes.

LE GOUVERNEUR.

À chacun : mais ces pauvres gens, qui sont traités en esclaves, qu’ont-ils affaire avec la liberté ?

BRÊME.

Ils n’en sont plus qu’à un travers de main, plus qu’à la largeur du seuil de la prison, dont la porte leur est ouverte.

LE GOUVERNEUR.

Comment ?

BRÊME.

Le moment approche : les communes sont assemblées ; dans