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de ces vaillants héros ! Nous aussi nous aurons cet honneur. Dans cette attitude, nous passerons à la postérité.

MARTIN.

Comme vous savez-vous représenter tout cela !

ALBERT.

Je crains seulement que nous ne fassions dans la charrette une triste figure. Écoutez ! quelqu’un sonne. Le cœur me tremble dans le corps au moindre mouvement qui se fait.

BRÊME.

Fi donc ! Je vais ouvrir. Ce sera le gouverneur. Je lui ai donné rendez-vous ici. La comtesse l’a renvoyé de son service ; la comtesse l’a gravement offensé : nous l’entraînerons aisément dans notre parti. Si nous avons un prêtre parmi nous, nous serons bien plus sûrs de notre affaire.

MARTIN.

Un prêtre et un savant !

BRÊME.

Pour ce qui regarde la science, je ne lui cède en rien, et surtout il a beaucoup moins lu que moi d’ouvrages politiques. Toutes les chroniques que j’ai héritées de feu mon grand-père, je les avais lues en entier dès ma jeunesse, et je connais à fond le théâtre de l’Europe. Qui comprend bien ce qui est arrivé, sait aussi ce qui arrive et arrivera. C’est toujours la même chose. Rien de nouveau dans le monde. Voici le gouverneur. Arrêtez ! Il nous faut le recevoir solennellement. Il faut que notre présence lui inspire du respect. Nous figurons à présent, comme in nuce[1], les représentants de la nation tout entière. Asseyez-vous ! (Brême place trois sièges d’un côté du théâtre, et de l’autre un siège seul. Les deux maires s’asseyent, et, à l’arrivée du gouverneur, Brême se hâte de s’asseoir entre eux et prend un air de gravité.)

  1. Comme le noyer est dans la noix. Brême s’inquiète peu que ses interlocuteurs ne sachent pas le latin.