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Fabrice.

Mais, si quelqu’un se trouvait, qui, avec tout cela, voulût hasarder de vous offrir sa main ?

Marianne.

Il ne se trouvera point ! Et puis la question serait de savoir si je voudrais hasarder avec lui.

Fabrice.

Pourquoi pas ?

Marianne.

Il ne se trouvera point !

Fabrice.

Marianne, vous l’avez !

Marianne.

Fabrice !

Fabrice.

Vous le voyez devant vous. Dois-je faire un long discours ? Dois-je épancher dans votre cœur ce que le mien renferme depuis longtemps ? Je vous aime : vous le savez de longue date ; je vous offre ma main : cela, vous ne le soupçonniez pas. Je n’ai jamais vu de jeune fille qui pensât aussi peu que vous, qu’elle doit rendre sensible celui qui la voit… Marianne, ce n’est pas un amant impétueux, inconsidéré, qui vous parle ; je vous connais ; je vous ai choisie ; ma fortune est faite : voulez-vous être à moi ?… J’ai eu des chances diverses en amour ; et plus d’une fois j’ai été résolu à finir ma vie dans le célibat. Je suis à vous maintenant… Ne résistez pas ! Vous me connaissez ; votre frère et moi nous ne sommes qu’un ; vous ne pouvez imaginer un lien plus pur… Ouvrez votre cœur… Un mot, Marianne !

Marianne.

Cher Fabrice, laissez-moi du temps ; je vous veux du bien.

Fabrice.

Dites que vous m’aimez ! Je laisse à votre frère sa place ; je veux être le frère de votre frère ; ensemble nous prendrons soin de lui. Ma fortune, jointe à la sienne, lui épargnera quelques heures pénibles ; il prendra courage ; il… Marianne, je voudrais n’avoir pas besoin de vous persuader…

(Il lui prend la main.)