Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CAROLINE.

Ne vous fâchez pas, mon père.

BRÊME.

Tu me rends une nouvelle vie, ma fille ; oui, continue d’honorer ta condition par ta vertu ; ressemble en toutes choses à ton excellente bisaïeule, feu Mme la bourgmestre de Bremenfeld. Cette digne femme fut, par sa modestie, l’honneur de son sexe, et, par son esprit, l’appui de son époux. Regarde son portrait chaque jour, chaque heure ; imite-la, et deviens respectable comme elle. (Caroline regarde le portrait et rit.) Qu’est-ce qui te fait rire, ma fille ?

CAROLINE.

Je veux bien imiter ma bisaïeule dans toutes ses vertus, pourvu que ne je doive pas m’habiller comme elle. (Elle rit.) Ha ! ha ! ha ! Voyez-vous, chaque fois que je regarde ce portrait, il faut que je rie, quoique je l’aie tous les jours devant les yeux. Ha ! ha ! ha ! Voyez donc ce bonnet, qui s’écarte de la tête comme des ailes de chauve-souris.

BRÊME.

Eh bien ! eh bien ! de son temps, personne n’en riait : et qui sait comme on rira de vous par la suite, quand on vous verra en peinture ? car vous êtes bien rarement vêtues et coiffées de sorte que je puisse dire (bien que tu sois ma jolie fille) : « Elle me plaît ainsi ! » Égale en vertus cette excellente femme, et habille-toi avec un meilleur goût ; à cela je n’ai rien à reprendre ; bien entendu, comme on dit, que le bon goût ne soit pas plus cher que le mauvais. Au reste, je serais d’avis que tu allasses te coucher, car il est tard.

CAROLINE.

Ne voulez-vous pas encore prendre votre café ? L’eau bout ; il sera fait à l’instant.

BRÊME.

Borne-toi à tout préparer : mets la poudre dans la cafetière ; j’y verserai moi-même l’eau bouillante.

CAROLINE.

Bonne nuit, mon père.

BRÊME.

Dors bien, mon enfant. (Caroline sort.)