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Marianne.

Aussi m’aime-t-il plus que sa mère.

Fabrice.

Vous êtes aussi une mère pour lui. (Marianne devient pensive ; Fabrice l’observe quelque temps.) Le nom de mère vous rend triste ?

Marianne.

Non pas triste, mais je pense seulement…

Fabrice.

À quoi, douce Marianne ?

Marianne.

Je pense… je ne pense à rien. Mais je me sens quelquefois toute je ne sais comment.

Fabrice.

N’auriez-vous jamais désiré ?…

Marianne.

Quelle question allez-vous me faire ?

Fabrice.

Fabrice l’osera-t-il ?

Marianne.

Désiré ! jamais, Fabrice. Et, lors même qu’une pareille pensée me passait par la tête, elle s’éloignait aussitôt. Quitter mon frère me serait insupportable… impossible… si séduisante que fût toute autre perspective.

Fabrice.

C’est pourtant singulier ! Si vous demeuriez près l’un de l’autre, dans la même ville, serait-ce le quitter ?

Marianne.

Oh ! jamais. Qui dirigerait son ménage ? Qui aurait soin de lui ?… Une servante ?… Ou même se marier ?… Non, ça ne se peut pas !

Fabrice.

Ne pourrait-il vous suivre ? Votre mari ne pourrait-il être son ami ? Ne pourriez-vous faire à vous trois un aussi heureux, un plus heureux ménage ? Votre frère ne pourrait-il en être soulagé dans ses pénibles occupations ? Quelle vie ce pourrait être !

Marianne.

Il y faudrait penser. Quand j’y réfléchis, c’est assez vrai. Et puis je reviens à croire que ça n’irait pas bien.