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SOMMER.

Il m’abandonna. Le sentiment de ma souffrance est inexprimable. Toutes mes espérances anéanties, anéanties, au moment où je croyais recueillir les fruits de mon printemps sacrifié.,.. Abandonnée !... abandonnée !... Tous les appuis du cœur humain, l’amour, la confiance, l’honneur, la position, une fortune chaque jour croissante, la perspective d’une postérité nombreuse, bien établie : tout croulait devant moi d’un seul coup, et moi.... le malheureux gage qui restait de notre amour.... Une morne tristesse suivit les furieuses douleurs, et mon cœur, noyé de larmes, profondément désespéré, tomba dans l’abattement. Les revers qui frappent la fortune d’une pauvre délaissée, je ne les remarquai point, je ne les sentis point, jusqu’à ce qu’enfin....

FERNAND.

Le coupable !

Madame Sommer, avec une tristesse contenue. Il ne l’est pas.... Je plains l’homme qui s’attache à une jeune fille. .

FERNAND.

Madame !

Madame Sommer, avec un léger badinage, pour couvrir son émotion.

Non, certainement ! Je le regarde comme un prisonnier. Et puis Fondit que c’est toujours comme cela. Il est amené de son monde dans le nôtre, avec lequel il n’a, dans le fond, rien de commun ; il s’abuse quelque temps, et malheur à nous quand ses yeux s’ouvrent !.. Pour moi, je ne pouvais plus à la fin être pour lui qu’une honnête mère de famille, qui lui était, il est vrai, attachée avec le plus ferme désir d’être pour lui agréable, vigilante ; qui vouait tous ses jours au bien de sa maison, de son enfant, et qui devait, j’en conviens, s’attacher à tant de bagatelles, que sa tête et son cœur étaient souvent arides ; qu’elle n’était point aimable ; qu’il devait nécessairement, avec la vivacité de son esprit, trouver ma société insipide. 11 n’est point coupable !...

Fernand, à ses pieds.

Je le suis !



Madame Sommer, à son cou, avec un torrent de larmes.