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ternellement ce qui dans le fond n’est rien ? Toute la maison chancelle ; tu ne fais œuvre de tes mains, et tu dépenses beaucoup. Tu vis au jour le jour ; si l’argent te manque, tu fais des dettes, et, quand ta femme a besoin de quelque chose, elle n’a pas un florin ; et tu ne t’informes point où elle en pourra trouver. Veux-tu une brave femme, sois un honnête homme !… Procure-lui le nécessaire, aide-lui à passer le temps, et, pour le surplus, tu peux rester tranquille.



SOELLER. .

Eh ! adresse-toi au père !

SOPHIE.

J’en serais bien reçue ! Nous sommes assez dépourvus, et tout va fort mal ! Hier, pour la première fois, il me fallut absolument lui demander quelque chose : «Ah ! s’écria-t-il, tu n’as point d’argent, et Soeller se promène en traîneau ! » Il ne me donna rien, et me remplit les oreilles de crieries. Maintenant, dis-moi donc où je dois en prendre. Car tu n’es pas homme à pourvoir aux besoins de ta femme.

SOELLER.

Patience, chère enfant, demain peut-être je recevrai d’un bon ami….

SOPHIE.

Si c’est un sot, fort bien ! S’agit-il de recevoir, les bons amis se montrent souvent ; mais, un ami qui apporte quelque chose, je suis encore à l’attendre…. Non, Soeller, tu le vois bien : cela ne peut aller plus longtemps. !

SOELLER.

Tu as pourtant le nécessaire.

SOPHIE.

Bien, c’est déjà quelque chose : mais celui qui ne fut jamais nécessiteux veut plus que cela. Le bonheur nous gâte bien aisément par ses dons ; on a le nécessaire et l’on croit ne rien avoir encore. Le plaisir que goûte chaque femme, chaque jeune fille, je n’en suis pas affamée, mais je n’en suis pas rassasiée non plus : la toilette, le bal !… suffit, je suis femme.

SOELLER.

Eh ! viens donc avec moi : ne te le dis-je pas toujours ?