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ternels reproches ne me laissent pas une heure de gaieté.

SOELLER.

Je ne te reproche rien ; je le dis seulement comme cela. Ah ! une belle femme nous charme infiniment. Arrive ce qu’il pourra ! Vois-tu, on est reconnaissant. Sophie, que tu es belle !… Et je ne suis pas de marbre ; j’apprécie trop bien le bonheur d’être ton mari. Je t’aime….

SOPHIE.

Et peux-tu donc me tourmenter sans cesse ?

SOELLER.

Oh ! va, qu’importe ? Je puis bien dire qu’Alceste t’a aimée, qu’il a brûlé pour toi, que tu l’as aussi aimé, que tu l’as coimu longtemps.

SOPHIE.

Ah !

SOELLER.

Non, je ne sache pas quel mal je pourrais voir à cela ! Un jeune arbre, que l’on plante, s’élève à sa hauteur, et, s’il rapporte des fruits, eh bien, celui qui se trouve là en jouit ; l’année suivante, il en vient d’autres. Oui, Sophie, je te connais trop bien pour y mettre de l’importance. Seulement, je trouve cela risible.

SOPHIE.

Je n’y vois pas de quoi rire. Qu’Alceste m’ait aimée, qu’il ait brûlé pour moi, que je l’aie aussi aimé, que je l’aie connu longtemps, qu’y a-t-il davantage ?

SOELLER.

Rien ! Je ne veux pas dire non plus qu’il y ait davantage. Car, dans les premiers temps, quand la jeune fille germe encore, elle aime par amusement, elle sent dans son cœur certains mouvements secrets, et elle n’y comprend rien. On l’embrasse a" gage touché, insensiblement elle devient plus grande, le baiser devient plus sérieux, et l’on y trouve toujours plus de goût ; elle ne comprend pas pourquoi la mère gronde ; pleine de vertu quand elle aime, c’est innocence quand elle faillit ; et, quand l’expérience se joint à ses autres qualités, que son mari se félicite d’avoir une femme prudente !



SOPHIE.

Tu ne