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je vois les choses comme elles sont Notre frère et toi, vous les voyez sous un jour trop romanesque. Tu as cela de commun avec mainte et mainte bonne fille, que ton amant fut infidèle et te quitta : et, qu’il soit revenu, qu’il veuille réparer sa faute par son repentir, et renouveler toutes nos premières espérances…. c’est un bonheur qu’une autre ne repousserait pas légèrement.

MARIE.

Mon cœur se briserait.

SOPHIE. . .

Je te crois. Le premier moment doit produire sur toi un effet sensible…. et pourtant, ma chère, je t’en prie, ne prends pas cette angoisse, ce trouble, qui semble maîtriser tous tes sens, pour un effet de la haine, pour de la répugnance. Ton cœur parle pour lui plus que tu ne crois, et, si tu n’oses le revoir, c’est justement parce que tu désires passionnément son retour.

MARIE.

Sophie, de la pitié !

SOPHIE.

Je veux que tu sois heureuse. Si je sentais que tu le méprisasses, qu’il te fût indifférent, je ne dirais plus un mot ; il ne paraîtrait plus devant moi. Mais non, ma chère…. Tu me remercieras de t’avoir aidée à surmonter cette irrésolution pénible, qui est un signe du plus tendre amour. (Entrent Guilbert et Buenco.)

SOPHIE.

Venez, Buenco ; venez, Guilbert ; aidez-moi à rassurer la petite, à la déterminer, à présent que le moment en est venu.

BUENCO.

Je voudrais oser lui dire : « Ne le revoyez pas. »

SOPHIE.

Buenco !

BUENCO.

Mon cœur se soulève, à la pensée qu’il pourrait encore posséder cet ange, qu’il a si outrageusement offensé, qu’il a traîné au bord de la tombe. La posséder ?… pourquoi ? Comment réparet-il son crime ?… Il revient, il lui plaît tout à coup de revenir et de dire : « A présent j’y suis disposé ; à présent je la veux. »