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BRACKENBOURG.

On ne sait rien de certain. H doit avoir éclaté dernièrement des troubles en Flandre ; la gouvernante doit craindre qu’ils ne s’étendent jusqu’ici. Le château est plein de troupes ; les bourgeois sont aux portes en grand nombre ; le peuple bourdonne dans les rues…. Je cours bien vite auprès de mon vieux père. (Il va pour sortir.)

CLAIRE.

Vous verra-t-on demain ? Je vais m’habiller un peu. Notre cousin doit venir, et ma toilette est par trop négligée. Aidezmoi un instant, ma mère. Emportez ce livre, Brackenbourg, et rapportez-moi une histoire comme celle-là.

LA MÈRE.

Adieu.

Brackenbourg-, tendant la main à Claire.

Votre main !

Claire, refusant la sienne.

Quand vous reviendrez. (La mère et la fille sortent.) Brackenbourg, seul.

J’avais résolu de ressortir tout.de suite, et, parce qu’elle y consent et me laisse partir, me voilà furieux…. Malheureux ! et tu n’es pas touché du sort de ta patrie ? de ce tumulte croissant ?… Espagnols et compatriotes, celui qui commande et celui qui a le bon droit sont égaux à tes yeux !… J’étais pourtant un autre gaillard à l’école !… Là, quand on donnait à faire une composition : a Discours de Brutus pour la liberté, exercice d’éloquence, » Fritz était pourtant toujours le premier ; et le maître disait : « S’il y avait seulement plus d’ordre, et si tout n’était pas entassé l’un sur l’autre !… » Alors j’avais du feu et de l’entrain…. Maintenant je rampe sous les yeux d’une jeune fille. Je ne peux donc la quitter ! Elle ne peut donc pas m’aimer ! Ah !… Non…. Elle…. Elle ne peut m’avoir tout à fait rejeté…. Pas tout à fait…. et à moitié…. et rien…. Je ne le souffrirai pas plus longtemps…. Si c’était vrai, ce qu’un ami me disait l’autre jour à l’oreille, qu’elle reçoit, la nuit, secrètement un homme chez elle, après m’avoir décemment mis à la porte, toujours avant le soir ! Non, ce n’est pas vrai, c’est un mensonge, un mensonge infâme, une calomnie ! Claire