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L’ABBÉ.

Nul n’est prophète en son pays !

LIEBETRAUT.

Et savez-vous pourquoi, monseigneur ?

L’ABBÉ.

Parce qu’il y est né et qu’il y a été élevé.

LIEBETRAUT.

Oui, ce peut être l’une des raisons. L’autre, c’est qu’une plus intime connaissance de ces messieurs fait évanouir l’auréole de dignité et de sainteté dont un lointain vaporeux les environne à nos yeux trompés, et ce ne sont plus alors que de tout petits bouts de chandelle.

OLÉARIUS.

Il semble que vous soyez établi pour dire des vérités.

LIEBETRAUT.

Comme j’ai le cœur de les dire, la langue ne me manque pas.

OLÉARIUS.

Mais l’adresse pour les bien placer.

LIEBETRAUT.

Où les ventouses tirent, elles sont bien placées.

OLÉARIUS.

On reconnaît les baigneurs à leur tablier, et l’on en souffre tout dans leur service : par précaution, vous feriez bien de porter un bonnet à grelots.

LIEBETRAUT.

Où avez-vous pris vos degrés ? Je vous le demande seulement pour le cas où il m’en prendrait fantaisie, afin d’aller d’abord à la bonne forge.

OLÉARIUS.

Vous êtes bien osé !

LIEBETRAUT.

Et vous bien imposant ! (L’évêque et l’abbè rient.)

L’ÉVÊQUE.

Parlons d’autre chose !… Moins de chaleur, messieurs : à table tout passe… Un autre discours, Liebetraut !

LIEBETRAUT.

Près de Francfort, de l’autre côté du Mein, est un petit endroit qui s’appelle Sachsenhausen…