POÉSIES. 63
soin de toi ; mes filles mènent la danse nocturne. Elles te berceront, elles t’endormiront, à leur danse, à leur chant. — Mon père, mon père, et ne vois-tu pas là-bas les filles du roi des aunes à cette place sombre ? — Mon fils, mon fils, je le vois bien : ce sont les vieux saules qui paraissent grisâtres. — Je t’aime, ta beauté me charme, et, si tu ne veux pas céder, j’userai de violence. — Mon père, mon père, voilà qu’il me saisit ! Le roi des aunes m’a fait mal ! » Le père frémit, il presse son cheval, il tient dans ses bras l’enfant qui gémit ; il arrive à sa maison avec peine, avec angoisse : l’enfant dans ses bras était mort.
Jeanne Sébus
A la mémoire de cette bonne et belle jeune fille du village de Brienen. Elle périt, à Vâge de dix-sept ans, le 13janvier 1809, en por tant des secours, lors de la débâcle du Rhin et de la grande rupture de la digue à Cleverham.
La digue est rompue ; la campagne mugit, les flots se ré pandent, la plaine gémit.
« Mère, je te porte à travers les eaux ; elles ne sont pas hautes encore : je marche aisément. « Pense à nous aussi, dans « la détresse où nous sommes ; la voisine, trois pauvres enfants !
La femme infirme.... Tu t’en vas ! » Déjà elle a porté
sa mère à travers les eaux. « Retirez-vous sur la colline. « Restez-y en attendant. J e reviendrai bientôt ; nous serons tous « sauvés. Le chemin de la colline est encore à sec ; quelques « pas seulement > mais emmenez aussi ma chèvre. » La digue s ’écroule, la campagne mugit, les flots ravagent, la plaine gémit.
Elle dépose sa mère en lieu sûr. La belle Suzette retourne au fleuve soudain. « Où vas-tu ? où vas-tu ? Les vagues se sont enflées ; deçà, delà, tout est plein d’eau. Veux-tu, téméraire, te plonger dans l ’abîme ! — J e veux, il faut que ces gens soient sauvés, o
La digue disparaît, les flots mugissent, une mer orageuse se balance et gémit.
La belle Suzette passe la planche accoutumée ; des vagues