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Cette affreuse coquette, cette courtisane, qu'on appelle la société, elle m'a trompé comme tous les autres ; elle m'a ravi la foi, puis l'espérance ; elle voulait maintenant me ravir l'amour : je me suis échappé. Afin de préserver à jamais le trésor sauvé, je l'ai sagement partagé entre Souleika et Saki ; chacun d'eux s'efforce à l'envi de m'en payer le plus haut intérêt, et je suis plus riche que jamais. J'ai retrouvé la foi, la foi a l'amour de Souleika ; Saki me donne, dans la coupe, le délicieux sentiment du présent : qu'ai-je à faire de l'espérance ?


L'échanson

Aujourd'hui tu as bien mangé, mais tu as bu mieux encore : ce que tu as oublié pendant le repas est tombé dans cette jatte.

Vois, nous appelons cela un schwaenchen [petit cygne], comme les aime un convive rassasié : cela, je l'apporte à mon cygne, qui se rengorge sur les flots.

Mais on assure que le cygne chanteur sonne lui-même ses funérailles : ne me fais entendre aucune chanson, si elle présage ta fin.


L'échanson

Ils t'appellent le grand poëte, quand tu te montres sur la place ; j'écoute volontiers quand tu chantes, et je prête encore l'oreille quand tu fais silence.

Mais je t'aime bien mieux encore, quand tu donnes un baiser en souvenir : car les paroles s'envolent, mais le baiser reste au fond du cœur.

Accoupler des rimes à son prix ; beaucoup penser vaut mieux encore : chante pour les autres, et reste muet avec léchanson.

——

LE POËTE. Viens çà, échanson ! Encore un verre !

L'ÉCHANSON. Seigneur, tu as assez bu. On t'appelle l'insatiable buveur.

LE POËTE. M'as-tu jamais vu tomber ?

L'ÉCHANSON.