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574 DIVAN.

Que ce soit aussi un signe de notre bonheur ! Déjà je me revois, je te revois ; bien-aimée, tu m’appelles ton soleil ; viens, douce lune, embrasse-moi.


Viens, bien-aimée, viens ! à toi le soin de ma coiffure. Le turban n’est beau que formé de tes mains. Abbas, sur le trône sublime de l’Iran, n’a pas vu ceindre sa tête d’une plus élégante coiffure.

C’était un turban, la bandelette qui tombait en nœuds élégants de la tête d’Alexandre, et, après lui, tous les souverains l’adoptèrent comme royale parure.

C’est un turban qui pare notre roi : on l’appelle couronne. Passe pour le nom ! perles et joyaux ! que l’œil soit enchanté !… La mousseline est toujours le plus bel ornement.

Et celle-ci, d’une parfaite blancheur et lamée d’argent, bien-aimée, viens en ceindre mon front. Qu’est-ce donc que la grandeur ? C’est pour moi chose familière. Tes regards s’arrêtent sur moi : je suis aussi grand que lui !


Je demande peu de chose, justement parce que tout me plaît ; et, ce peu de chose, dès longtemps le monde me le donne volontiers.

Souvent je suis assis gaiement dans la taverne, et gaiement dans l’étroite maison ; mais, aussitôt que je pense à toi, mon esprit conquérant se donne carrière.

Tu devrais régner sur les États de Timour, commander à sa victorieuse armée ; Badakschan[1] te devrait ses rubis, la mer Hyrcanienne ses turquoises.

À toi les fruits secs, doux comme miel, de Boukhara[2], le pays du soleil, et mille poèmes aimables, sur papier de soie de Samarcande.

Tu liras avec joie ce que j’ai fait venir pour toi d’Ormuz, et comme tout le commerce n’était en mouvement que pour toi ;

  1. Ville et province de Perse.
  2. Capitale de la Boukharie.