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SOULEIKA NAMEH.
LIVRE DE SOULEIKA.


Je rêvais la nuit, et je croyais voir la lune dans mon sommeil ; mais, quand je m’éveillai, le soleil parut soudain.


Invitation.

Ne fuis pas devant le jour, car le jour que tu atteindras ne vaut pas mieux que celui d’aujourd’hui. Mais, si tu demeures avec joie aux lieux d’où j’écarte le monde, pour amener le monde à moi, aussitôt avec moi tu seras tranquille. Aujourd’hui est aujourd’hui, demain est demain, et ce qui vient et ce qui est passé n’entraîne pas, ne demeure pas arrêté. Demeure, mon bien-aimé, car c’est toi qui l’apportes et c’est toi qui le donnes.


Que Souleika fût charmée de Joussouf[1], ce n’est pas merveille : il était jeune, et la jeunesse a la faveur ; il était, dit-on, beau à ravir, elle était belle : ils pouvaient faire le bonheur l’un de l’autre. Mais que toi, qui m’as fait languir si longtemps, tu m’adresses tes jeunes regards pleins de flammes ; que tu m’aimes aujourd’hui, et que tu fasses plus tard mon bonheur, c’est ce que mes chants doivent célébrer. Tu seras à jamais pour moi Souleika.


Puisque Souleika est désormais ton nom, il faudrait que je

  1. Joussouf, c’est Joseph, l’idéal de la beauté chez l’homme, l’Adonis de l’Orient ; Souleika est la première femme de Putiphar. Joseph fut remis à sa surveillance par le roi lui-même. (Rosenœl, première partie, page 70.)