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dans le paradis, jeune homme glorifié. Saint Ébousound, tu as bien répondu.

Fetva.

Le mufti lut l’un après l’autre tous les poèmes de Misri[1], et, de propos délibéré, il les jeta dans les flammes : le beau volume fût réduit en cendres.

Que le feu dévore, dit le grand juge, quiconque parle et pense comme Misri. Qu’il soit lui seul exempt de la peine du feu, car Allah a dispensé à chaque poète ses dons : si le poëte en abuse dans sa vie pécheresse, qu’il pourvoie lui-même à faire sa paix avec Dieu.

Infini.

Tu ne saurais finir, et c’est ce qui fait ta grandeur ; tu ne commences jamais, c’est ton sort. Ton chant tourne sur lui-même comme la voûte étoilée ; le commencement et la fin sont toujours même chose, et ce que le milieu amène est manifestement ce qui est encore à la fin et qui était au commencement.

Tu es la vraie source poétique des plaisirs, et flot sur flot émanent de toi sans nombre ; une bouche toujours prête aux baisers, un chant cordial qui coule doucement, un gosier que la soif irrite sans cesse, un bon cœur qui s’épanche.

Je consens que le monde entier s’abîme ! Hafiz, c’est avec toi, avec toi seul, que je veux rivaliser. Que plaisirs et peines nous soient communs, à nous, frères jumeaux ! Aimer et boire comme toi sera mon orgueil, sera ma vie.

Et maintenant, animée de ta propre flamme, résonne ô chanson, car tu es plus ancienne, tu es plus nouvelle !

Imitation.

J’espère de réussir dans ta manière de rimer[2], le retour des sons doit me plaire aussi. Je trouverai d’abord la pensée, ensuite les expressions ; aucun son ne reviendra deux fois, à

  1. Célèbre poëte turc, dont les poésies offrent des rapports avec l’Évangile. Ce fetva fut réellement prononcé.
  2. Goethe s’adresse encore à Hafiz, et la versification à laquelle il fait allusion est celle du Gazel. Il s’en trouve dans le Divan plusieurs exemples : mais c’est dans les Roses orientales de Ruckert et dans les Gazels du comte de Platen, que l’esprit et la forme de ce genre de poésie persane ont été le plus fidèlement reproduits