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Le château sur la montagne.

Là-haut, sur cette montagne, s’élève un vieux château, où, derrière portes et poternes, veillaient jadis chevalier et palefroi.

Poternes et portes sont brûlées, et partout règne le silence ; aux vieilles murailles ruinées, je grimpe comme je veux.

Là, près, était une cave, pleine d’excellent vin : aujourd’hui la joyeuse sommelière avec des cruches n’y descend plus.

On ne la voit plus dans la salle distribuer aux convives les coupes à la ronde ; on ne la voit plus remplir, pour la cène, le flacon du capucin.

Elle ne verse plus dans le corridor un coup de vin à l’avide écuyer, et, pour la faveur de passage, ne reçoit plus, au passage, un merci.

Car toutes les poutres et les toitures sont dès longtemps consumées ; escaliers, corridors, chapelle, en décombres, en ruines sont changés.

Mais, lorsque avec la guitare et la bouteille, je vis, par le jour le plus serein, mon amie gravir ces rochers, ces collines ;

Alors, de la retraite désolée s’élança le joyeux plaisir, et tout reprit un air de fête, comme dans les anciens jours.

Comme si les plus vastes salles étaient prêtes pour des convives imposants ; comme s’il était survenu un jeune couple de ce bon temps ;

Comme si, dans sa chapelle, le digne prêtre officiait et s’il demandait : « Voulez-vous être unis ? » et que, souriant, nous eussions prononcé le oui !

Et des chants émurent le fond de notre cœur ; et notre témoin, au lieu de la foule, ce fut l’écho sonore.

Et lorsque, vers le soir, tout se perdit dans le silence, le soleil enflammé brilla sur la cime escarpée.

Et l’écuyer et la sommelière brillent au loin comme seigneurs ; elle prend son temps pour servir à boire et lui pour rendre grâces[1].

La salutation du spectre.

Au sommet de la vieille tour, se dresse le noble fantôme

  1. Allusion à la cinquième strophe et contraste.