Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome I.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tées ; vous fleurissez, hélas ! pour l’amant sans espoir, à qui le chagrin brise le cœur.

Rupture.

Il est trop doux de trahir sa parole, trop difficile d’être fidèle au devoir ; hélas ! et nous ne pouvons promettre ce qui répugne à notre cœur.

Tu mets en œuvre les anciens chants magiques ; et lui, qui à peine était tranquille, tu l’attires encore dans la chancelante nacelle de la douce folie ; tu renouvelles, tu redoubles le danger.

Pourquoi veux-tu dissimuler avec moi ! Sois franche, n’évite pas mon regard. Tôt ou tard je devais tout découvrir, et je te rends ici ta parole.

Ce que j’ai dû faire, je l’ai fait : que désormais nul obstacle ne te vienne de moi : mais pardonne à l’ami qui se détourne de toi maintenant, et se replie sur lui-même en silence.

Le changement.

Couché sur le sable, dans le ruisseau limpide, j’ouvre les bras au flot qui s’approche ; il presse amoureusement mon sein consumé de désirs ; puis l’inconstance l’entraîne dans le courant ; un flot nouveau s’approche ; il me caresse à son tour, et je goûte les plaisirs de la volupté changeante.

Et pourtant tu traînes sans fruit dans la tristesse les heures précieuses de la vie fugitive, parce que la bien-aimée t’oublie. Oh ! rappelle-les, ces temps écoulés ! Il a tant de saveur, le baiser cueilli sur les lèvres de la seconde, qu’à peine celui de la première était aussi doux.

Délibération[1].

Ah ! que faut-il que l’homme désire ? Fera-t-il mieux de rester en repos ? de s’attacher fermement et se cramponner ? Vaut-il mieux se pousser en avant ?

Doit-il se bâtir une maisonnette ? Doit-il vivre sous les tentes ?

  1. Dans cette pièce et dans quelques autres (Courage, Espérance, Souci etc.) le poète laisse entrevoir les inquiétudes qui l’agitent dans la vie de cour, à la pensée que les affaires et la faveur pourraient le détourner de sa véritable destination.