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Et il me fit asseoir près de lui ; il me donna un baiser doux et tendre. Et je dis : « Joue encore ! » Et le bon jeune homme joua : Lala ! le ralla !

Et maintenant mon repos est perdu, ma joie s’est envolée, et j’entends à mes oreilles, toujours la même chanson : La la ! le ralla !

Délivrance.

Ma bien-aimée me devint infidèle ; cela me rendit ennemi de toute joie ; je courus à une eau rapide, l’eau passait, courait devant moi.

Là je restai désespéré, muet ; j’avais la tête comme troublée par l’ivresse ; j’étais sur le point de glisser dans la rivière ; le monde autour de moi tournait.

Tout à coup j’entends pousser un cri…. justement derrière moi…. C’était une petite voix ravissante : « Prends garde à toi, la rivière est profonde. »

Alors quelque chose me courut de veine en veine. Je regarde : c’est une charmante jeune fille. Je lui dis : « Quel est ton nom ? — Catherine ! — Ô belle Catherine ! Tu es bonne.

« Tu me retires de la mort ; je te dois la vie pour toujours. Mais c’est me donner peu de chose : sois aussi le bonheur de ma vie ! »

Alors je lui contai ma peine ; elle baissa les yeux avec grâce ; je lui donnai un baiser, elle me le rendit, et…. pour l’heure, on ne parla plus de mourir.

Le fils des Muses.

Courir les bois et les campagnes, fredonner ma chansonnette, telle est, de lieux en lieux, ma vie, et devant moi tout passe et s’ébranle en mesure et s’agite en cadence.

Je puis l’attendre à peine, la première fleur du jardin, le premier bouton de l’arbre : mes chansons les saluent, et, quand revient l’hiver, je chante encore le songe évanoui.

Je le chante au loin sur la vaste plaine de glace : là fleurit l’hiver dans sa beauté. Cette fleur aussi disparaît, et une joie nouvelle se montre sur les fertiles collines.

Car, si je trouve sous le tilleul la jeunesse assemblée, aussitôt je l’éveille ; le gros garçon se rengorge, la gauche fillette valse à ma mélodie.