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comment, pourquoi, quand elle a su me plaire, d’où vient qu’elle me plaît.

Cet œil noir, fripon, qui me guette, ce sourcil noir par-dessus, si je les regarde une seule fois, mon âme s’épanouit. En est-il une qui ait une bouche si mignonne, de si jolies joues rondelettes ? Et puis il est encore certaines choses rondes : l’œil ne se lasse pas de les voir.

Et quand je puis la presser dans mes bras, pour danser la vive allemande, cela tourne, cela tourbillonne : alors je me sens vivre ! Et quand je la vois chancelante, échauffée, je la berce aussitôt contre mon cœur, dans mes bras : pour moi c’est un royaume !

Et lorsqu’elle me regarde avec amour, et qu’elle oublie tout à la ronde, et qu’elle se presse sur mon cœur, et me donne un ardent baiser, cela me court de veine en veine et jusqu’au bout des pieds ! Ah ! je suis faible, je suis fort, je sens un délice, un martyre.

J’en voudrais davantage et toujours davantage ; le jour ne me semble pas long ; même la nuit, quand je serais près d’elle, je n’aurais point de peur. J e me dis que, si je la tiens une fois et que j’assouvisse mon désir, et que mon tourment ne se puisse apaiser, je mourrai dans ses bras !

La prude.

Par une brillante matinée de printemps, la bergère allait et chantait, jeune et belle et sans soucis, et, à travers les campagnes, résonnait : La la ! le ralla !

Tircis lui offrit, pour un baiser, deux, trois agneaux sur l’heure : elle le regarda un instant, d’un air moqueur, mais elle continua de rire et de chanter : La la ! le ralla !

Et un autre lui offrit des rubans, et le troisième offrit son cœur ; mais du cœur et des rubans, comme des agneaux, elle se moqua, chantant toujours ! La la ! le ralla !

La convertie.

Aux derniers rayons du soir, je passais en silence le long du bois : Damon était assis et jouait de la flûte, et les rochers répondaient : La la ! le ralla !