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fidèle, le sera encore pour le prochain soleil. Dans leur marche légère, les heures se ressemblaient comme des sœurs, toutefois aucune n’était absolument pareille aux autres. Le dernier baiser, cruel et doux, déchire un tissu délicieux de tendresses enchaînées. Puis le pied se hâte, il hésite, évitant le seuil, comme si un chérubin flamboyant le chassait de ces lieux. L’œil s’arrête avec douleur sur le sentier ténébreux ; il regarde en arrière : il voit la porte fermée. Et maintenant ce cœur se renferme en lui-même, comme s’il ne se fût jamais ouvert, et qu’auprès d’elle, aussi resplendissant que les étoiles des cieux, il n’eût pas goûté des heures fortunées ; et le chagrin, le repentir, le reproche, le souci pesant, l’oppressent désormais dans une atmosphère brûlante.

Eh quoi, ne lui reste-t-il pas l’univers ? Les pentes des rochers ne sont-elles plus couronnées d’ombrages sacrés ? Ne voit-il pas la moisson mûrir et une verte contrée s’étendre le long du fleuve, à travers les bois et les prairies ? Et l’immensité, qui embrasse les mondes, ne se courbe-t-elle pas en voûte, ici, dépourvue, là, peuplée de formes ? Comme, avec sa trame gracieuse et légère, délicate et brillante, semblable à un séraphin, semblable à elle-même, s’élève du sein des nuages sombres, et plane dans le ciel bleu, une svelte figure de vapeur lumineuse ! C’est ainsi que tu la voyais briller à la danse joyeuse, la plus charmante des plus charmantes beautés.

Mais tu ne saurais te permettre qu’un moment de prendre pour elle une image aérienne ; redescends dans ton cœur : là tu la trouveras mieux ; là elle s’éveille en formes changeantes : unique beauté, sous mille métamorphoses, et toujours, toujours plus aimable.

Comme elle s’arrêta vers les portes pour m’accueillir, et puis de degrés en degrés me rendit heureux ; même après le dernier baiser, courut encore à moi, et imprima sur mes lèvres le dernier des derniers : ainsi l’image de la bien-aimée reste lumineuse, vivante, gravée en traits de feu dans mon cœur fidèle. Dans ce cœur, aussi ferme qu’une muraille crénelée, et qui se garde pour elle et la garde en lui ; pour elle se réjouit de sa