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n’envierai l’aile des oiseaux ; les joies de mon esprit me transportent bien plus loin, de livre en livre, de feuilles en feuilles ! Que de chaleur et d’agrément cela donne à une nuit d’hiver ! vous sentez une vie heureuse animer tous vos membres… Ah ! dès que vous déroulez un vénérable parchemin, tout le ciel s’abaisse sur vous !

FAUST.

C’est le seul désir que tu connaisses encore ; quant à l’autre, n’apprends jamais à le connaître. Deux âmes, hélas ! se partagent mon sein, et chacune d’elles veut se séparer de l’autre : l’une, ardente d’amour, s’attache au monde par le moyen des organes du corps ; un mouvement surnaturel entraîne l’autre loin des ténèbres, vers les hautes demeures de nos aïeux ! Oh ! si dans l’air il y a des esprits qui planent entre la terre et le ciel, qu’ils descendent de leurs nuages dorés, et me conduisent à une vie plus nouvelle et plus variée ! Oui, si je possédais un manteau magique, et qu’il pût me transporter vers des régions étrangères, je ne m’en déferais point pour les habits les plus précieux, pas même pour le manteau d’un roi.

VAGNER.

N’appelez pas cette troupe bien connue, qui s’étend comme la tempête autour de la vaste atmosphère, et qui de tous côtés prépare à l’homme une infinité de dangers. La bande des esprits venus du Nord aiguise contre vous des langues à triple dard. Celle qui vient de l’Est dessèche vos poumons et s’en nourrit. Si ce sont les déserts du Midi qui les envoient, ils entassent autour de votre tête flamme sur flamme ; et l’Ouest en vomit un essaim qui vous rafraîchit d’abord, et finit par dévorer, autour de vous, vos champs et vos moissons. Enclins à causer du dommage, ils écoutent volontiers votre appel, ils vous obéissent même, parce qu’ils aiment à vous tromper ; ils s’annoncent comme envoyés du ciel, et quand ils mentent, c’est avec une voix angélique. Mais retirons-nous ! le monde se couvre déjà de ténèbres, l’air se rafraîchit, et