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ressantes de lord Byron ; pendant que je le parcourais, il avait pris en mains la plus nouvelle traduction française de son Faust, par Gérard, qu’il feuilletait et qu’il paraissait lire de temps à autre.

« De singulières idées, » disait-il, « me passent par la tête, quand je pense que ce livre se fait valoir encore en une langue dans laquelle Voltaire a régné, il y a cinquante ans. Vous ne sauriez vous imaginer combien j’y pense, et vous ne vous faites pas d’idée de l’importance que Voltaire et ses grands contemporains avaient durant ma jeunesse, et de l’empire qu’ils exerçaient sur le monde moral. Il ne résulte pas bien clairement de ma biographie quelle influence ces hommes ont eue sur ma jeunesse, et combien il m’a coûté de me défendre contre eux, et, en me tenant sur mes propres pieds, de me remettre dans un rapport plus vrai avec la nature. »

« Nous parlâmes encore sur Voltaire, et Gœthe me récita le poëme intitulé les Systèmes. Je voyais combien il avait étudié et combien il s’était approprié toutes ces choses de bonne heure.

« Gœthe fit l’éloge de la traduction de Gérard en disant que, quoique en prose, pour la majeure partie, elle lui avait très-bien réussi.

« Je n’aime plus lire le Faust en allemand, disait-il ; mais, dans cette traduction française, tout agit de nouveau avec fraîcheur et vivacité… Le Faust, continua-t-il, pourtant est quelque chose de tout à fait incommensurable, et toutes les tentatives de l’approprier à la raison (l’intelligence) sont vaines. L’on ne doit pas oublier non plus que la première partie du poëme est sortie d’un état tout à fait obscur (confus) de l’individu ; mais c’est précisément cette obscurité qui éveille la curiosité des hommes, et c’est ainsi qu’ils s’en préoccupent comme de tout problème insoluble. »

J’ai respecté à dessein les germanismes de cette version, de peur d’ôter quelque chose au sens de l’appréciation. Effrayé moi-même plusieurs fois des défauts de la première édition, j’ai corrigé beaucoup de passages