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monde ; et, pour anéantir les libertés des peuples, le trident et la foudre s’agitent dans leurs mains.

Chaque contrée leur doit de l’or : et comme Brennus, aux temps barbares, le Français jette son glaive d’airain dans la balance de la justice.

L’Anglais, tel que le polype aux cent bras, couvre la mer de ses flottes avides, et veut fermer, comme sa propre demeure, le royaume libre d’Amphitrite.

Les étoiles du sud, encore inaperçues, s’offrent à sa course infatigable ; il découvre les îles, les côtes les plus lointaines… mais le bonheur, jamais !

Hélas ! en vain chercherais-tu sur toute la surface de la terre un pays où la liberté fleurisse éternelle, où l’espèce humaine brille encore de tout l’éclat de la jeunesse.

Un monde sans fin s’ouvre à toi ; ton vaisseau peut à peine en mesurer l’espace ; et, dans toute cette étendue il n’y a point de place pour dix hommes heureux !

Il faut fuir le tumulte de la vie, et te recueillir dans ton cœur… La liberté n’habite plus que le pays des chimères ; le beau n’existe plus que dans la poésie.




LE DRAGON DE RHODES


Où court ce peuple ? qu’a-t-il à se précipiter en hurlant dans les rues ? Rhodes est-elle la proie des flammes ?… La foule semble encore s’accroître, et j’aperçois au milieu d’elle un guerrier à cheval. Derrière lui… ô surprise ! on traîne un animal dont le corps est d’un dragon et la gueule d’un crocodile, et tous les yeux se fixent avec étonnement, tantôt sur le monstre, tantôt sur le chevalier.

Et mille voix s’écrient : « Voilà le dragon !… venez le voir !… Voilà le héros qui en a triomphé ! Bien d’autres sont partis pour cette périlleuse entreprise, mais aucun n’en était revenu… Honneur au vaillant chevalier ! » Et la foule se dirige vers le couvent où les chevaliers de Saint-Jean se sont à la hâte rassemblés en conseil.