Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/368

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mort. La coupe était là, suspendue à des branches de corail, qui l’avaient empêchée de s’enfoncer à des profondeurs infinies.

« Car, au-dessous de moi, il y avait encore comme des cavernes sans fond, éclairées d’une sorte de lueur rougeâtre, et, quoique l’étourdissement eût fermé mon oreille à tous les sons, mon œil aperçut avec effroi une foule de salamandres, de reptiles et de dragons qui s’agitaient d’un mouvement infernal.

« C’était un mélange confus et dégoûtant de raies épineuses, de chiens marins, d’esturgeons monstrueux et d’effroyables requins, hyènes des mers, dont les grincements me glaçaient de crainte.

« Et j’étais là suspendu avec la triste certitude d’être éloigné de tout secours, seul être sensible parmi tant de monstres difformes, dans une solitude affreuse, où nulle voix humaine ne pouvait pénétrer, tout entouré de figures immondes.

« Et je frémis d’y penser… En les voyant tournoyer autour de moi, il me sembla qu’elles s’avançaient pour me dévorer… Dans mon effroi, j’abandonnai la branche de corail où j’étais suspendu : au même instant, le gouffre revomissait ses ondes mugissantes ; ce fut mon salut, elles me ramenèrent au jour. »

Le roi montra quelque surprise, et dit : « La coupe t’appartient, et j’y joindrai cette bague ornée d’un diamant précieux, si tu tentes encore l’abîme, et que tu me rapportes des nouvelles de ce qui se passe dans les profondeurs les plus reculées.

À ces mots, la fille du roi, tout émue, le supplie ainsi de sa bouche caressante : « Cessez, mon père ; cessez un jeu si cruel ; il a fait pour vous ce que nul autre n’eût osé faire. Si vous ne pouvez mettre un frein aux désirs de votre curiosité, que vos chevaliers surpassent en courage le jeune vassal. »

Le roi saisit vivement la coupe, et, la rejetant dans le gouffre : « Si tu me la rapportes encore, tu deviendras mon plus noble chevalier, et tu pourras aujourd’hui même